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Ubuntu : « je suis parce que nous sommes »

Ubuntu : « je suis parce que nous sommes »

Buntu est une philosophie humaniste africaine fondée sur une éthique du solidarisme reposant sur la relation à l’autre. C’est la militante libérienne Leymah, Gbowee, prix Nobel de la paix qui en a donné une définition à méditer: « Je suis ce que je suis grâce à ce que nous sommes tous ».

En Egypte ancestrale, le « je suis parce que nous sommes » s’oppose en fait à « nous sommes parce que je suis ». En fait, c’est l’éternelle guerre entre la priorité à accorder au solidarisme ou à l’individualisme et qui vient avant l’autre ? La poule ou l’œuf ?

Au Zimbabwe, un grand écrivain et militant panafricaniste, Stanlake J. W. T. Samkange (1922–1988) a mis en valeur trois grands concepts  interdépendants de l’Ubuntu :

        1.  « Etre humain, c’est affirmer son humanité en reconnaissant l’humanité des autres et, sur cette base, établir des relations humaines respectueuses avec eux. ». C’est donc l’humanité et le respect de l’autre qui prime.

  1. « Si et quand on est confronté à un choix décisif entre la richesse et la préservation de la vie d’un autre être humain, alors on devrait opter pour la préservation de la vie ». La vie est donc plus importante que la richesse ou l’argent.
  2. « Le roi africain devait son statut, y compris tous les pouvoirs qui lui sont associés, à la volonté des personnes de rang inférieur à lui ». Cela va au-delà de la démocratie car cela valorise la palabre africaine intelligente comme fondement de la pensée africaine, ce qui est supérieur à la traditionnelle politique africaine. Quel dirigeant noir suit ces préceptes ?  2 ou 3 peut-être ?

Nelson Mandela, l’ex-Président sud-africain, après ses 27 ans en prison pour défendre la liberté des Noirs avant la sienne propre met l’accent sur deux points de l’Ubuntu que sont l’hospitalité du peuple noir mais aussi le problème de l’enrichissement personnel. Au lieu d’une définition, il préfère raconter la petite histoire que voici : « Un voyageur à travers un pays s’arrêterait à un village et il n’a pas eu à demander de la nourriture ou l’eau. Une fois qu’il s’arrête, les gens lui donner à manger, le divertissent ». C’est un aspect d’Ubuntu, mais il y a un autre aspect important. « Ubuntu ne veut pas dire que les gens ne devraient pas s’enrichir. La question est donc : qu’allez-vous faire afin de permettre à la communauté autour de vous d’être en mesure de progresser ? ». Chacun pourra y réfléchir car il s’agit bien de donner un sens à la vie, mais aussi un sens au rôle dans la communauté.

En 1999, un autre prix Nobel de la paix, l’archevêque Desmond Tutu a rappelé dans un livre « Pas d’avenir sans le pardon »,  ceci : « Une personne empreinte d’Ubuntu est une personne ouverte et disponible pour les autres. Cette personne ne se sent pas menacée par le fait que d’autres sont meilleures ou plus capables qu’elle. Sur la base d’une bonne confiance en soi qui provient du fait que cette personne sait qu’il ou elle appartient à un ensemble plus vaste et est diminuée lorsque d’autres sont humiliés ou diminués, alors que d’autres sont torturés ou opprimés ». On sent bien la définition de l’Ubuntu « anti-Apartheid ».

En 2008, le même Desmond Tutu a reprécisé sa pensée en s’appuyant sur un dicton local : « L’Ubuntu est l’essence de l’être humain. Ubuntu signifie que vous ne pouvez exister en tant qu’être humain en isolation.  Ubuntu rappelle notre interdépendance. Vous ne pouvez pas être un humain rien que vous seul ; et quand l’on vous reconnaît la qualité d’Ubuntu, vous êtes reconnu et réputé pour votre générosité. Nous nous pensons beaucoup trop souvent juste comme des individus, séparés des uns des autres, alors que vous êtes connectés et ce que vous faites affecte le monde entier. Lorsque vous faites bien, cela rayonne  et cela profite à toute l’ensemble de l’humanité ».

Un juge sud-africain blanc, Colin Lamont, rappelle que « l’Ubuntu est une source importante du droit dans le contexte de relations tendues ou brisées entre les individus ou les communautés » et constitue « des voies de recours qui contribuent à plus de solutions mutuellement acceptables pour les parties ». Aussi, l’Ubuntu comporte 12 concepts interdépendants.

Ubuntu :

  1. est à opposer à la vengeance ;
    2. oblige à placer la vie d’un être humain comme une valeur à placer au-dessus de tout ;
    3. est inextricablement lié aux valeurs qui accorde une grande importance à la dignité, la compassion, l’humanité et de respect pour l’humanité de l’autre;
    4. impose un changement consistant à passer de la confrontation à la médiation et à la conciliation ;
    5. prescrit d’avoir des attitudes positives et de partager en commun les appréhensions ;
    6. favorise le rétablissement de l’harmonie dans la relation entre les parties et afin que l’harmonie restaure la dignité de l’accusé sans pour autant ruiner les intérêts de la victime ;
    7. favorise la justice réparatrice, celle qui restaure plutôt que la justice distributive, celle qui enlève ;
    8. fonctionne dans un sens favorisant la conciliation plutôt que l’hostilité et l’intransigeance, voire l’éloignement des parties lors d’un différend ;
    9. Travaille les protagonistes lors d’un litige en vue de sensibiliser l’une ou l’autre des parties prenantes à l’impact blessante et nuisible de ses actions à la partie adverse et à changer ce comportement plutôt que de se contenter uniquement de punir l’accusé ;
    10. favorise la compréhension mutuelle plutôt que la punition ;
    11. propose les rencontres en tête à tête des parties en conflit en vue de permettre de réduire les différences et de parvenir à une solution concertée plutôt que de promouvoir le conflit et la victoire pour le plus puissant ou celui qui a raison parmi les protagonistes ;
    12. favorise la civilité et le dialogue courtois sans hypocrisie fondée sur la tolérance mutuelle. 

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