Pourquoi le canon français Caesar est-il si demandé ? Quelle différence avec la canon anglo-américain M777 ?

Pourquoi le canon français Caesar est-il si demandé ? Quelle différence avec la canon anglo-américain M777 ?

Par Laurent N

— Parce que nous sommes revenus à la «haute intensité» en Ukraine et aux radars de contrebatterie et que le Caesar coche toutes ces cases.

– Parce que le Caesar dispose d’une portée plus élevée (40km) du fait de son tube plus long que les canons classiques : 52 calibres (52x155mm), alors que le M777 est un 39 calibres. La longueur du tube augmente la poussée de la charge propulsive sur l’obus et donc la portée : la portée maximale « de référence » d’un 39cal est autour de 30km contre 40km pour un 52cal. Les canons russes de 122 et 152mm sont en général des 29 ou 35cal…

– Parce que le Caesar est plus précis (les artilleurs disent « dispersion ») : moins de 1 millième. C’est assez exceptionnel, notamment pour cette même raison de portée accrue. A portée identique, un 39cal aura une dispersion plus importante qu’un 52cal : environ 110m à 20km pour le M777 contre moins de 50m à 30km pour le Caesar. Mais ce n’est pas la seule raison : la qualité et la température des poudres, l’usure du tube et la prise en compte dans le calcul des éléments de tirs (la balistique) des facteurs météorologiques notamment, sont primordiaux.

– Parce que le Caesar est capable de se mettre en batterie très rapidement (se préparer à tirer) : moins d’une minute. Si la chaine de commandement depuis les moyens d’acquisition (observateurs, drones, aviation, radars de contrebatterie) jusqu’au canon est correctement automatisée, on peut atteindre moins de trois minutes entre le ‘repérage d’une cible’ est le départ du premier obus. Cette performance, alliée à la portée et à la dispersion réduite, permettent en particulier de réaliser des tirs de contrebatterie rapides et précis (destruction de l’artillerie adverse).

– Parce que le Caesar est capable de sortir de batterie très rapidement (se remettre en mouvement après avoir tiré) : moins d’une minute. Il peut donc échapper facilement aux éventuels tirs de contrebatterie ou attaques de drones adverses. Ceci est du au fait qu’il est monté sur un camion, d’où son nom. Ce châssis de camion (6×6 ou 8×8) lui permet aussi de réduire son coût de possession comparé à un canon chenillé, d’aller vite sur la route (ubiquité), de ne pas peser trop lourd (franchissement de petits ponts) etc.

– Le Caesar peut également tirer 6 coups par minute grâce à un chargement semi-automatique (4 sur la durée), ce qui est très correct pour du 155mm (l’obus pèse 45kg plus la charge…), ne nécessite que 5 servants et ne pèse que 18 tonnes avec sa cabine blindée ! Il dispose enfin d’une conduite de tir complète et performante : calculateur, centrale inertielle fixée sur le berceau du canon, radar de vitesse initiale, pointage et repointage automatique etc

Il faut bien entendu avouer que le Caesar n’est pas le seul 52cal automoteur en service dans le monde : Panzerhaubitze 2000 allemand (55 tonnes..), K9 Thunder coréen (47 tonnes), Archer suédois (30 tonnes) etc. L’équipage de tous ces canons reste protégé par du blindage pendant la phase de tir, le chargement est entièrement automatisé et ils sont chenillés (sauf l’Archer).
Le blindage apporte une sécurité supplémentaire mais relative lorsqu’on tire à 30 ou 40km (la cabine du Caesar est blindée). La chenille est utile pour un char d’assaut mais questionnable pour l’artillerie. Si l’automatisation complète du chargement permet de « tenir » la cadence, il faut cependant bien recharger manuellement les carrousels de chargement et donc sortir du blindage. Ce qui prend une quinzaine de minutes pendant lesquels l’automoteur est indisponible à la mobilité et au tir.

Le M777, de son côté, a été entièrement conçu pour être héliporté (titane…), notamment pour des opérations amphibies, têtes de pont etc. Pas du tout pour le tir de contrebatterie. La mobilité de l’artillerie par héliportage se heurte rapidement au ravitaillement en munitions dont le poids, à la différence d’un obusier, ne peut être réduit.

Le M777 est un canon tracté très long à mettre et à sortir de batterie (5 a 6 minutes contre moins d’une minute pour un automoteur)

Le M777 est à chargement entièrement manuel, ce qui ne permet pas de dépasser la cadence de quatre coups par minute et se situe en réalité plus près de trois.

La conduite de tir du M777 est relativement semblable à ce que l’on trouve sur les autres obusiers modernes, dont le Caesar.

Bref, à part le poids, le 777 (un 39cal…) est assez proche du canon 155 TRF1 français des années 80…

La France est le premier pays au monde à avoir créer ce nouveau type d’artillerie sur camion. Il s’agit d’une tradition d’excellence très ancienne qui remonte à la guerre de 100 ans (c’est l’usage industriel de l’artillerie qui a fait gagné la France), le Gribeauval (premier « système d’armes » qui fera le succès des armées de Napoléon), le canon de 75 (le premier à chargement par la culasse), le premier canon de 155mm en 1915, l’AUF1 et maintenant le Caesar, vendu à plus de dix pays.

Je ne suis pas artilleur (un ancien officier de cavalerie légère blindée). Mais j’ai appris grâce notamment à l’ingénieur André Bourgougnon, responsable et père du Caesar chez GIAT Industries (Nexter) à Bourges, décédé prématurément d’un cancer et à qui je dédie cette réponse. Paix à son âme !

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