Pourtant, c’est-à-partir de la fourniture d’une énergie compétitive et bon marché que le Nigeria pourra promouvoir de manière pérenne, sa transformation industrielle non polluante. C’est pourtant cette politique innovante, favorable à la transition énergétique et au changement climatique, qui pourra servir d’effet de levier ou de catalyseur pour soutenir un développement diversifié et accéléré du système productif et sanitaire dans ce pays, et plus largement dans la sous-région d’Afrique de l’Ouest.
1. NIGERIA, ECHEC DE LA RÉFORME BASÉE SUR LA PRIVATISATION DE L’ELECTRICITÉ
Environ 60% des 202 millions d’habitants en 2020 sont privés d’électricité au Nigéria et l’approvisionnement électrique est irrégulier, constituant un goulot d’étranglement majeur pour la croissance économique, le développement industriel et sanitaire, et plus globalement le développement du pays.
Les réformes du gouvernement fédéral du Nigeria de son secteur énergie entamée dès 2010 pour laisser les opérateurs privés fournir l’énergie dans le pays s’avère être plutôt un échec, surtout que la partie transmission de l’énergie n’a pas suivi en termes de privatisation. L’objectif d’atteindre en 2020, 20 000 MW n’a pas été atteint, loin s’en faut. Le Gaz (plus de 70 %) ou l’hydraulique (20 %) ou le solaire (10 %) comme source de capacités thermiques alternatives n’a pas eu la priorité escomptée.
Bien que la puissance totale installée au Nigéria, de près de 12 600 MW, représente plus de la moitié de celle de l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest, la capacité électrique réellement disponible sur le réseau ne s’élève qu’à environ 3 879 MW 1 alors que la demande minimum estimée oscille entre 20 000 et 30 000 MW. Selon un rapport des Nations Unies (UN COMTRADE), 500 millions de dollars des Etats-Unis seraient la somme consacrée par les Nigérians à l’importation de groupes électrogènes, dont la qualité demeure un problème en termes de normes sonores ou de respect des règles de non-toxicité.
Les raisons sont multiples : problèmes de corruption, de capacitée de transport, de distribution, d’obsolescence, de manque d’investissement et de maintenance des infrastructures, coupures quotidiennes et intempestives.
Les pertes globales du réseau électrique sont très élevées, estimées à plus de 40 %, ce qui ne relève plus des erreurs mais d’un problème d’efficacité dans l’organisation et le management énergétique.
2. PLUS DE 50 % DE LA POPULATION NIGERIANE SANS ACCES A L’ELECTRICITE
Dès lors, entre 55 % et 60 % de la population n’a pas accès à l’électricité. Parmi ceux qui ont accès au réseau, plus de la moitié subirait des coupures pour près de 40 % du temps. Les coupures quotidiennes à Lagos et Abuja sont d’une durée moyenne de 6 à 8 heures.
En conséquence, les délestages récurrents obligent une large partie de la population et la quasi-totalité des entreprises à se doter de moyens d’autoproduction, essentiellement des groupes électrogènes coûteux et polluants. La capacité installée dans le pays en générateurs diesels autonomes serait de 15 à 20 000 MW (fourchette basse) et de 2 000 MW d’origine renouvelable (hors hydraulique) selon les statistiques officielles.
3. IMPORTATIONS DE GROUPES ÉLECTROGÈNES BRUILLANTS ET POLLUANTS
La réalité est que les importations de groupes électrogènes sont en croissance exponentielle sans pour autant permettre de résoudre le problème de la fourniture globale d’énergie, au contraire, c’est la courbe de pollution sonore et des émissions de gaz à effets de serre qui sont en constante augmentation, ce qui a des conséquences très négatives sur la santé et l’espérance de vie globale des citoyens nigérians. De ce point de vue, ces groupes électrogènes devraient être équipés en termes de normes de limitation en termes de pollutions sonores et surtout en termes de pollution liées à aux émissions toxiques.
Soit, le Nigeria s’attelle à corriger la réalité de la corruption sur l’organisation de son secteur énergétique et s’engage dans un mix énergétique effectif, soit ce pays risque à terme de ne pas bénéficier des retours sur investissement dans le secteur, voire d’avoir des effets contre-productifs, sur la qualité de son développement, surtout si le nombre de citoyens malades du fait des groupes électrogènes. Le Nigeria figure dans un palmarès peu glorieux, celui des 6 pays qui génèrent de l’énergie à partir de générateurs d’appoints comme l’Inde, l’Iraq, le Pakistan, le Venezuela et le Bengladesh. Selon une étude le Société financière internationale, ces six pays représentent plus de 50 pour cent de l’électricité produite -sous forme de combustible brûlé- par les générateurs de secours dans les 167 pays couverts par l’étude.
La réalité sur le terrain, c’est une augmentation significative de gaz toxiques expulsées des groupes électrogènes notamment : les émissions de particules fines (PM2,5), de dioxyde de soufre (SO2), d’oxydes nitreux (NOx), de dioxyde de carbone (CO2) et d’autres polluants, soit au total près de 20 % du carbone CO2 émis par les générateurs en Afrique subsaharienne équivaut à environ 20 pour cent du total des émissions des véhicules. A cela, il faut rajouter le niveau du bruit supérieur à 90 décibels (dB), soit au-dessus de ce qui est préconisés par l’Organisation mondiale de la Santé et équivalent à habiter dans la proximité de 10 à 20 km d’un aéroport.
4. VERS LE ZERO EMISSION AU NIGERIA : UN DÉFI
Le Gouvernement fédéral s’est lancé dans une politique favorisant l’énergie renouvelable avec des objectifs d’efficacité énergétique avec la génération hors-réseau à hauteur de 12 500 MW d’ici 2030 dont 50 % pour l’hydraulique, 20 % pour le solaire et 10 % pour l’éolien.
Mais qui s’occupent de contribuer à réduire les importations de groupes électrogènes, véritables sangsues en termes de pertes de pouvoir d’achat des populations ? Peu de monde !
Atteindre le net zéro émission en matière de pollution liée aux énergies fossiles signifie accélérer le déploiement de technologies propres tout en continuant à réduire les coûts, grâce à l’innovation avec des initiatives vers l’hydrogène, les carburants à faible émission de carbone, par exemple.
La crise sanitaire du coronavirus COVID-19 a considérablement contribuée à la réduction des revenus et les investissements pétroliers et gaziers, obligeant les producteurs à réévaluer leurs stratégies pour s’aligner sur les changements technologiques et politiques. Le Nigeria ne peut faire l’impasse sur les effets de la corruption institutionnalisée sur son avenir, qui plus est, influence l’avenir de l’Afrique de l’Ouest. Atteindre la zéro émission au Nigeria demeure un défi.
En effet, moins de 10 % de la population a un accès à une énergie propre pour les besoins domestiques, en plus particulièrement pour la cuisine. Les émissions nettes d’énergie zéro-émission à effets de serre 2 en 2050 exigeraient un ensemble d’actions supplémentaires spectaculaires au cours de la décade 2021-2030. YEA.
Dr. Yves Ekoué AMAÏZO
Directeur Afrocentricity Think Tank
© Afrocentricity Think Tank
Notes:
- Energy Mix Report. “Nigeria spends USD 2 billion on generators in 20 years – UN Data”. January 31, 2021. Accessed 31 January 2021. From https://www.energymixreport.com/nigeria-spends-2bn-on-generators-in-20yrs-un-data/ ↩
- Étant donné que la Terre réagit fortement aux moindres modifications des taux de CO₂, de méthane et d’autres gaz à effet de serre dans l’atmosphère, il est indispensable de réduire ces émissions jusqu’à retrouver l’équilibre. Le terme zéro émission nette signifie que toutes les émissions de gaz à effet de serre produites par l’activité humaine doivent être retirées de l’atmosphère à l’aide de mesures de réduction pour que le bilan climatique net de la Terre, c’est-à-dire après déduction des diminutions naturelles et artificielles de CO₂, -appelées aussi les « émissions négatives-, équivaille à zéro. L’activité humaine serait alors climatiquement neutre et la température mondiale se stabiliserait. Source : IPCC (2018). Global warming of 1.5 °C. IPCC. Accessed 31 January 2021. From https://www.ipcc.ch/sr15/ ; An IPCC special report on the impacts of global warming of 1.5 °C above pre-industrial levels and related global greenhouse gas emission pathways, in the context of strengthening the global response to the threat of climate change.
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