La Françafrique ? Juppé pas plus innocent que Sarkozy

La Françafrique ? Juppé pas plus innocent que Sarkozy

alain-juppeNous sommes en mai 2003. Alain Juppé préside encore l’UMP. Mais il a une épée de Damoclès sur la tête. Depuis quatre ans, il est mis en examen dans l’affaire des emplois fictifs de la Ville de Paris et le procès approche. Cameroun, Gabon, Sénégal, Mali… En ce mois de mai, le fidèle compagnon du président Chirac visite quatre pays africains à la tête d’une imposante délégation de l’UMP.

Des chefs d’Etat grands prophètes

À Libreville, Omar Bongo Ondimba le reçoit chaleureusement – en présence de l’avocat franco-libanais Robert Bourgi – et lui dit : « Tu sais Alain, la politique est faite de hauts et de bas. Je suis sûr que tu n’es responsable de rien et que tu t’en sortiras. »

Puis il s’apprête à s’envoler pour Dakar à bord de l’avion personnel du président sénégalais. « En montant dans l’avion, raconte Bourgi, qui est du voyage, Juppé a la surprise de tomber sur Karim Wade, le fils du chef de l’État sénégalais, qui a fait le déplacement Dakar-Libreville exprès pour le patron de l’UMP. »

Et à Dakar, Abdoulaye Wade le rassure : « C’est l’avocat qui vous parle, monsieur Juppé. Je sais que vous êtes en train de payer pour quelque chose dont vous n’êtes pas coupable. Quoi qu’il arrive, je suis certain que vous servirez de nouveau votre pays. » Dix-huit mois plus tard, en décembre 2004, l’ex-Premier ministre français est condamné à quatorze mois de prison avec sursis et à un an d’inéligibilité. Beaucoup de Français croient que sa carrière politique est terminée. Wade et Bongo, non. L’avenir va leur donner raison.

Cette année, alors que Sarkozy flirte avec Ouattara, Juppé fréquente le Maghreb. À Alger, début février, il a eu droit à un tête‑à-tête de quarante-cinq minutes avec Abdelaziz Bouteflika, qui lui a demandé des nouvelles de la santé de Jacques Chirac. À Tunis, il a aussi été reçu par le président, Béji Caïd Essebsi. À Rabat, en mai, en l’absence du roi qui était en voyage, il a été accueilli par Abdelilah Benkirane, le chef du gouvernement. À chaque fois, comme son principal adversaire, le maire de Bordeaux saisit l’occasion de ces déplacements pour rencontrer de nombreux électeurs potentiels. Au Maroc, environ 50 000 Français sont inscrits sur les registres consulaires.

Acoquiné avec Paul Biya

Alain Juppé, lui, a moins d’audience que Sarkozy, mais ne semble pas en faire un complexe. Depuis la visite de Paul Biya dans sa ville de Bordeaux, en juillet 2009, l’ancien Premier ministre soigne sa relation avec le Cameroun. Comme il connaît le poids de la Côte d’Ivoire, il a pris la peine, en octobre 2015, d’appeler Alassane Ouattara pour le féliciter de sa réélection.

Un coup politique en préparation

Dans l’état-major de Juppé, on envisage très sérieusement, en cas de victoire à la primaire, une mini-tournée africaine en décembre ou janvier prochains. Dans cette hypothèse, Juppé fera étape à Abidjan, puis à Dakar, où il tentera un coup politique : prononcer un discours à l’université Cheikh-Anta-Diop, à l’endroit précis où, en juillet 2007, Nicolas Sarkozy a reproché aux Africains de « ne pas être entrés dans l’Histoire ». Un discours qui avait fait grand bruit.

Dans le camp Juppé, on associe volontiers Sarkozy aux derniers soubresauts de la Françafrique. Un proche du maire de Bordeaux lâche : « Juppé est pour que les choses passent par les circuits diplomatiques ordinaires, pas par les officines. » À deux mois du scrutin, les coups commencent à pleuvoir. Et vu d’Afrique, Sarkozy et Juppé, c’est blanc bonnet et bonnet blanc.

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