Un documentaire sidérant pour raconter l’enfer des réfugiés d’Erythrée qui date de 2014

Un documentaire sidérant pour raconter l’enfer des réfugiés d’Erythrée qui date de 2014

depuis 2014 ce phenomene avait deja pris de l ampleur , nous avions faits des petitions , nous avions marchés , nous avions demandés des aides tant en afrique qu’en europe , mais rien n y fait . Le sort du nord semble se resumer à l’esclavage

 

voici un documentaire fait par

 

 

Les larmes de tristesse des réfugiés érythréens impuissants face à leurs proches victimes de violence dans les camps de torture du Sinaï.
Le désert du Sinaï est devenu en quelques années l’enfer de milliers de réfugiés érythréens détenus par des trafiquants bédouins. Dans le documentaire “La Torture au bout du fil”, diffusé mardi 16 septembre sur Arte, une militante fait entendre la voix de disparus.

Les otages occidentaux attirent l’attention des médias internationaux. Le monde entier se sent concerné par l’enlèvement hors normes des 223 Nigérianes revendiqué en avril dernier par les terroristes de Boko Haram. Mais « qui a entendu parler des enlèvements de réfugiés érythréens dans la corne de l’Afrique ? », interroge Meron Estefanos, une journaliste et militante des droits de l’homme qui consacre tout son temps à lutter contre la traite de ses compatriotes. Un documentaire impressionnant, La torture au bout du fil, diffusé mardi 16 septembre sur Arte, raconte son combat.

Huit ans que cette Erythréenne d’origine – partie vivre à l’adolescence en Suède avec son père, un ancien activiste politique – anime depuis son appartement de Stockholm Les voix des réfugiés érythréens. L’émission de radio libre est devenue la hotline de cette diaspora. L’Agence des Nations unies pour les réfugiés estime que plus de 305 000 Erythréens ont fui leur pays en dix ans.

Après son indépendance en 1993, l’Erythrée, l’un des Etats les plus pauvres de la planète, devient une dictature militaire. Les migrants prennent d’abord la route de l’Europe, à travers l’Italie. Jusqu’à la fermeture des frontières aux demandeurs d’asile en 2006. Avec le durcissement de la situation à Asmara en 2008, ils se tournent vers Israël, en traversant le Soudan puis l’Egypte. Mais juste avant de franchir la frontière israélo-egyptienne, des centaines d’entre eux sont pris en otage par des passeurs égyptiens et remis à des Bédouins qui les gardent captifs dans des « villas de torture » implantées dans le désert du Sinaï. Ces barbares rançonnent les familles présentes en Israël et sont passés maîtres dans l’art du chantage : lorsqu’ils torturent, un téléphone portable reste toujours allumé.

Détenus aux abois et parents en détresse : tous ont enregistré le numéro de téléphone de Meron Estefanos. Et quand un frère entendant sa sœur se faire brûler au chalumeau, mutiler ou violer n’a pas la force de rester pendu au bout du fil, la journaliste verse une larme mais écoute inlassablement les cris de détresse, tente de dialoguer avec les bourreaux et retransmet le son de l’horreur sur les ondes. Son objectif ? Appeler à la collecte de fonds pour verser les rançons (en moyenne 5 000 dollars par personne), même si cela fait « monter la cote » des prisonniers.

Des proies faciles

En 2011, alors qu’elle venait d’entendre parler des maisons de torture, Keren Shayo, une jeune réalisatrice israélienne « très impliquée dans la communauté africaine de Tel Aviv » a commencé à travailler sur le sujet pour son premier documentaire. Elle n’a pas mis longtemps à entendre parler de Meron Estefanos : « Je me suis d’abord focalisée sur l’histoire de Timnit, une jeune femme recherchée par son frère. Il m’a fait écouter l’émission de Meron. Je n’ai pas compris car c’était en langue tigrigna (1), mais c’était très émouvant. J’ai donc contacté la présentatrice qui nous a rejoints en Israël pour trouver Timnit et, progressivement, Meron est devenue le personnage principal du film. J’avais besoin d’une force positive, d’une militante, pour ne pas me centrer seulement sur les victimes. »

Selon Meron Estefanos, devenue entretemps cofondatrice de la commission internationale sur les réfugiés erythréens, « 500 Erythréens sont capturés chaque semaine ». Elle a coécrit une étude (2) chiffrant à 10 000 le nombre de disparus sur les 50 000 Erythréens qui seraient passés dans le Sinaï ces dernières années. Pourquoi ces derniers et non pas les Soudanais ou les Ethiopiens ? Il y a deux raisons principales pour Meron Estefanos : « Une fois qu’ils ont quitté le pays, les Erythréens sont considérés comme des traitres ; ce sont donc des proies faciles. De plus, la diaspora est très solidaire. Elle s’organise pour payer les rançons, contrairement aux ressortissants d’autres pays. » Les quelques centaines ou milliers de Bédouins faisant partie de ce que Keren Shayo qualifie de « mafia » – sans que l’on sache encore précisément si un Etat ou une organisation terroriste en tire les ficelles – ne le savent que trop.

Du Sinaï à la Libye

Peuplée de 260 000 Bédouins considérés comme des citoyens de seconde zone par le régime égyptien, l’immense péninsule du Sinaï – zone tampon démilitarisée, rétrocédée par Israël à l’Egypte en 1975 – est devenue une région de non-droit. Depuis juillet 2013 et la déposition du président islamiste Mohamed Morsi, l’armée égyptienne tente d’y éradiquer des cellules djihadistes.

En novembre, Keren Shayo bouclait le montage de son film pendant qu’Israël posait la dernière pierre à un mur érigé le long de sa frontière sud, ayant pour effet de bloquer l’entrée des migrants africains. L’Etat hébreu a également voté une loi d’immigration restrictive et encouragé financièrement le départ volontaire des Erythréens et des Soudanais dans des pays tiers africains. Cette année, les réfugiés érythréens ont donc dû reprendre la route de l’Europe par la Libye. « A cause de la clôture, les Bédouins ont senti que leur ‘‘business’’ était menacé, analyse la réalisatrice. Ils ont donc commencé à kidnapper des Erythréens à la frontière entre l’Ethiopie et le Soudan ou dans des camps de réfugiés pour les emmener dans le Sinaï où le nombre de prisonniers a néanmoins diminué. Mais il y a quelques mois, nous avons entendu parler de camps en Libye. Les rançons sont montées très vite de 3 000 à 10 000 dollars. Donc, le problème se reproduit de pays en pays. »

A Stockholm, la journaliste Meron Estefanos dans émission de radio en provenance de l'Érythrée tente d'aider les victimes dans camps de torture du Sinaï
Meron Estefanos, une journaliste et militante des droits de l’homme qui consacre tout son temps à lutter contre la traite de ses compatriotes.

Rien ne bouge

En se propageant dans la Corne de l’Afrique, le trafic est donc en train de devenir un massacre. La torture au bout du fil a déjà été diffusé à l’ONU, au Parlement européen (3) ou encore à la Knesset (le parlement israélien) en juin dernier. Les instances politiques internationales sont donc au courant. « Le film a été montré dans des lieux de décision politique, mais ça n’a pas fait bouger les choses, déplore Keren Shayo. Peut-être parce que l’Erythrée a peu de poids politique. A la Knesset, il a été bien accueilli, mais la projection a eu lieu une semaine avant la guerre contre Gaza. Donc le sujet a vite été mis entre parenthèses. »

A Jérusalem, la députée Michal Rozin, du parti Meretz (extrême gauche) a organisé la projection « pour que les membres du parlement voient la réalité de la torture ». Mais seuls les partis de gauche et du centre ont répondu présents : « tout le monde a été choqué par ce qu’il a vu, mais ceux qui sont venus savaient déjà ». Si la parlementaire se réjouit « que la clôture ait mis un terme à l’industrie de la torture dans le Sinaï », elle continue de militer pour les droits des « 48 000 Erythréens présents en Israël ». Pour cette responsable de la commission des travailleurs étrangers, « le cœur du problème c’est que le gouvernement n’accorde pas le statut de réfugié aux Erythréens. Il les voit tout juste comme des immigrants économiques, ce qui ne leur ouvre aucun droit à la santé ou au logement. Il veut améliorer leurs conditions de vie, mais en aucun cas changer leur statut car il craint que les Africains ne viennent alors en plus grand nombre ». Meron Estefanos n’a pas de mots assez durs pour qualifier l’attitude « discriminatoire » du gouvernement israélien envers les immigrés africains : « il les appelle « les infiltrés » ».

En attendant, cette enquêtrice pour l’Union européenne s’occupe de trouver un logement et des soins aux survivants qui la considèrent comme une mère. Parallèlement, elle recherche les trafiquants dans toute l’Europe, comme les Klarsfeld traquait les nazis hier. Et elle continue de répondre à pas moins de 200 coups de téléphone par jour, d’où qu’ils viennent : Sinaï, Libye, Rwanda, Lampedusa… « Le plus dur c’est quand on m’appelle d’un bateau en train de couler à l’approche des côtes italiennes. Cela arrive toutes les semaines en ce moment. »

Mère célibataire de deux enfants, Meron Estefanos confie être désormais proche du burn out. A entendre son débit saccadé au téléphone, on la croit sur parole. « Je me bats depuis huit ans et je continuerai aussi longtemps que je vivrai, mais maintenant je suis fatiguée et en situation de faillite. Parfois, je n’ai même pas l’argent de passer un coup de fil, parce que je n’ai pas travaillé depuis très longtemps et que je ne reçois aucun soutien. Là, j’essaie de monter un organisme en demandant des financements. Mais si je ne les obtiens pas, peut-être que je raccrocherai et que je prendrai un boulot normal, comme tout le monde. »

source : telerama  de  Yohav Oremiatzki Publié le 16/09/2014.Mis à jour le 17/09/2014 à 15h45.

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