03282024Headline:

Que l’argent lave l’affront subi, et des fesses seront réhabilitées »

La chronique judiciaire: « Que l’argent lave l’affront subi, et des fesses seront réhabilitées »

La scène se passe au tribunal de grande instance d’Akonolinga. Deux anciennes belles de nuit comparaissent. L’une, dame Meva’a Perpétue Léocadie accuse l’autre, dame Mvongo Thamar Damaris, de l’avoir gravement injuriée. Le genre d’injures qui peuvent pousser une personne à se demander si c’est aussi Dieu qui l’a créée. Les deux belles de nuit qui, à la lumière impitoyable de ce jour, ne présentent pas de beaux restes, ne parlent pas français. Elles ne s’expriment qu’en Ssô, un patois des environs d’Akonolinga que très peu parlent, mais qui le parlent comme si c’était la langue même d’un dieu animiste et malgré tout vantard. Un interprète a donc été mobilisé pour la cause, il traduit ce dialecte guttural en prenant peut-être des libertés, qui sait ? Toutefois, la Cour lui fait confiance, l’affaire doit être tranchée ce jour, il n’est pas question de s’attarder plus que de raison sur des chamailleries de filles de joie ménopausées.

– Le juge : Madame Mvongo…

– C’est mademoiselle ! Répond l’interprète avant l’intéressée…

– Le juge : Mademoi-dame Mvongo… comme ça, vous avez insulté votre amie de longue date ?

– L’interprète : le juge qui est mal habillé là avec son col sale, et qui a même voulu t’appeler Madame pour rien, demande que : comme ça, comme ça a trop duré votre bordellerie ensemble, tu as décidé d’insulter ton amie et votre amitié de bordelles, est-ce que tu te souviens de la date de l’injure? parce que c’est comme ça ici au tribunal, il faut être précise.

– Mademoi-dame Mvongo : c’était le jour où le sous-préfet nous avait…, où on devait faire ça ensemble de ses amis avec le sous-préfet qui ne voulait pas porter le condom, et après ils ne nous ont pas donné tout notre argent, ils nous ont violées à 6 personnes, sans même nous payer comme il faut, pstuiiip… comme j’étais alors fâchée, l’autre-là a fait que…

– L’interprète : dis donc, tais-toi… le genre de détails-là ne nous intéresse pas ici. (Se tournant vers le juge, et en français) : Monsieur le juge, Mademoiselle Mvongo dit que dans toute cette affaire, elle n’a fait que dire la vérité. Ce n’est pas sa faute si la vérité blesse, mais à l’église, on dit de toujours dire la vérité.

– Le juge : votre dialecte est sophistiqué hein… hummm, le Ssô-là… on dit 20 mots, on traduit ça avec 02 mots ? C’est qu’elle langue qu’on interprète de manière abrégée comme ça ? Qu’à cela ne tienne. Mademoiselle Mvongo, vous avez déclaré que Ma…dame Meva’a avait, je vous cite « les fesses rouges comme le derrière d’un chimpanzé en colère, les fesses larges et noires comme un camion de Guinness qui s’est renversé, la… hum hum… qui attire les mouches, qui sent plus que la poubelle, qui est poilue comme la tête de la chèvre du deuil », qu’est-ce qui a bien pu justifier une telle avalanche d’injures ?

– L’interprète (se tournant vers l’accusée, dame Mvongo) : même si tu connais bien les fesses de ton amie depuis des années, est-ce que c’était une raison de venir décrire ça devant les gens ?

– Mademoiselle Mvongo : mais, elle a aussi insulté mes choses, c’est parce que moi j’ai seulement mis le turbo qu’elle vient m’accuser ici au tribunal. Elle croyait qu’elle allait me gagner en injures, mais moi j’ai insulté plus qu’elle. Moi, je m’excuse seulement pour la part que j’ai ajoutée pour insulter plus qu’elle, pour la part où nous sommes à égalité, il n’y a pas de problèmes, c’est le match nul.

– L’interprète (au juge) : Mademoiselle Mvongo regrette amèrement son geste et est prête à réparer le préjudice subi.

– Le juge : quelle langue étonnante que le Ssô… soit on parle beaucoup pour dire très peu, soit c’est l’inverse… Soit ! Si l’accusée reconnait ses torts et envisage de les réparer, je la condamne à verser 300 mille FCFA à Ma… dame Meva’a, qui n’a encore rien dit ici, somme à verser en guise de réparation.

– L’interprète à Mademoi-dame Meva’a : toi aussi, tu es là, tu ne parles plus, alors que tu jacassais dehors il y a quelques minutes ! N’est-ce pas toi aussi tu as insulté ? Le juge dit que, ce n’est pas bien quand les vieilles femmes comme vous, vous venez insulter vos vieilles fesses devant tout le monde. Comme ça t’a dépassé l’autre jour-là, tu veux venir te venger ici, est-ce que c’est bien alors ? Vous allez rentrer dans la rue et vous serez obligées de vous côtoyer… donc, si toi-même tu ne fais pas attention, c’est plutôt elle qui va te ramener ici… Il est très fâché depuis qu’il nous écoute-là, il voit que vous avez tort toutes les deux, mais pour toi est un peu mieux. Comme tu ne dois plus suivre l’autre-là avec sa bouche qui sort les injures comme la mitraillette, le juge te demande de jurer que tu ne vas plus revenir ici pour une sale affaire comme ça, même si l’autre te dit quoi, d’ailleurs elle a déjà tout dit, qu’est-ce qui peut encore te surprendre ? Dis alors au juge que l’affaire est finie.

– Mademoi-dame Meva’a : siouuu plé missié lajuge (en français! enfin… un genre de français), c’est parce que la fille-là a une trop mauvaise bouche, moi aussi je pouvais insulter son Sida qui la ronge depuis des années, jusqu’à elle a les boutons que vous voyez-là, mais j’ai laissé, il faut qu’elle apprenne aussi à laisser les gens, c’est pour ça que j’ai porté plainte.

– L’interprète à dame Meva’a : c’est ça même, tu as oublié que je dois traduire ?Tu voulais parler quoi là au début? Siouu plé, pstuiiip) Puis au juge : Ma…da… La femme-ci accepte que les injures soient lavées par la somme que vous venez de nous donner, Monsieur le Juge. Merci beaucoup.

– Le juge : les deux sont donc d’accords ?

– L’interprète : Le juge demande si vous êtes d’accord de ne plus vous injurier avec vos mauvaises bouches-là ?

– Les deux femmes en chœur : Owééeeeee !

– L’interprète : elles sont d’accord Monsieur le juge, et vous remercient pour votre infinie sagesse.

– Les deux femmes, à l’interprète : « Dieu est grand ! Tu maitrises le foulassi. Sans toi, on allait faire comment ? », « on sent vraiment que tu as bien parlé ! »

– L’interprète : Même apprendre le français en 30 ans de bordellerie en ville, ça vous a dépassées !

– Mademoiselle Meva’a : ptsuiiiiiip, Akonolinga c’est ça la ville ? Dis Douala, on va te croire, là-bas même l’anglais on allait apprendre. Aka ! Moi, je suis contente comme ça s’est terminé comme ça s’est terminé là, les gens vont réfléchir avant d’insulter les gens !

– Mademoiselle Mvongo : pardon, dis-moi encore bien ce que le juge a dit, pourquoi la sorcière-là est trop contente comme ça, qui a alors gagné l’affaire-ci, est-ce qu’on va me mettre en prison comme elle a dit ?

– L’interprète : Le juge a dit que, ouvrez bien vos oreilles de bordelles : ce n’est pas mauvais de dire la vérité sur les fesses des gens, mais tu devais dire la vérité-là à huis-clos et à quatre fesses, donc ça devait rester entre vous. Comme tu as insulté ses fesses devant témoins, tu vas lui payer 300 mille FCFA, pour qu’elle aille laver ses fesses rouges-là avec… comme ça tu ne pourras plus insulter ça, comme ça elle ne pourra plus venir faire la vantardise au tribunal.

– Mademoiselle Mvongo : donc, c’est moi qui paye encore le lavage des fesses-là ? Que même si on trempe ça dans l’eau de Javel, ça peut encore être propre ?

– Mademoiselle Meva’a : te voilà qui recommences, mais comme le juge est de mon côté et qu’il a dit que tu vas me payer, je te méprise comme l’asticot de mes fesses que tu es.

– Mademoiselle Mvongo : achouka ! Te voilà toi-même qui reconnais qu’il y a des asticots dans tes fesses !

– L’interprète : Ça suffit hein ! Allez là-bas avec vos fesses inutiles… et n’oubliez de me payer hein ! Je n’ai pas fini ma salive ici pour rien. Sinon moi-même je vous ramène toutes les deux ici, je vous porte plainte pour abus de confiance.

Sur ce s’est achevée cette audience. Les deux fessues, l’une outragée et l’autre outrageuse, et le ventru d’interprète ont quitté le tribunal, sans même se douter un seul instant que mon voisin qui parlait couramment le Ssô, m’avait servi d’interprète de circonstance ce jour. Tout en espérant qu’il n’ait pas été aussi créatif que le seul interprète officiel d’Akonolinga

Balbine Evindji Edounguila (Pigiste) aka Babinguila, Babedou, Baldou

Béatrice AMMERA MENDO

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